Dans l’histoire culturelle du Gers, peu de figures incarnent aussi fidèlement l’âme rurale et la langue populaire que le père Honoré Dambielle. Né en 1873 à Saint-Lizier-du-Planté, ce modeste curé de campagne allait devenir l’un des plus fervents défenseurs de la langue et de la culture gasconnes. Prêtre, écrivain, folkloriste, éditeur et militant occitan, il laisse une œuvre impressionnante, aujourd’hui méconnue mais d’une richesse inestimable pour le patrimoine local.

Ordonné en 1898, le père Dambielle exerce son ministère dans plusieurs paroisses rurales du Gers, notamment à Samatan, où il passera une grande partie de sa vie. S’il reste un homme d’Église rigoureux, c’est aussi un érudit passionné par la culture populaire. Il réalise très tôt que la langue occitane, alors encore très vivante dans les campagnes, est en danger. Il entreprend alors de la consigner, de la valoriser, de la transmettre.

Entre 1907 et 1930, Honoré Dambielle publie une quantité remarquable d’écrits : contes, proverbes, chansons, pièces de théâtre, articles historiques, monographies locales. Il écrit souvent en gascon, parfois en version bilingue avec traduction française. Parmi ses titres les plus célèbres figurent « O moun païs » (Mon pays), un roman gascon de 1910 salué par Frédéric Mistral, « Las duos sourdos » (Les deux sourdes), comédie paysanne pleine de verve, ou encore « Nos devinettes gasconnes » (1928), recueil d’énigmes et de jeux d’esprit populaires.

Dans ses introductions, il décrit les paysans avec tendresse et humour : « Cimentés de vertus généralement modestes et pétris de défauts pas redoutables mais nombreux », écrit-il. Il revendique un langage vrai, simple, celui des fermes et des foires. Son travail de collecte de proverbes et de dictons est impressionnant : plus de 2000 références, classées par thèmes, parfois illustrées de scènes de la vie quotidienne.

Mais Dambielle n’est pas qu’un homme de plume. Il agit aussi concrètement pour la diffusion de la culture occitane. En 1923, il fonde l’« Almanac occitan », une publication populaire tirée à plus de 50 000 exemplaires, vendue dans tout le Sud-Ouest. En 1926, il ouvre à Samatan l’« Imprimerie occitane », où il édite non seulement ses propres ouvrages, mais aussi ceux d’autres auteurs locaux.

Son engagement se prolonge jusque dans les dernières années de sa vie. En 1930, vice-président de l’Escolo deras Pireneos, il milite pour une réforme de l’enseignement religieux incluant la langue d’Oc. Il meurt tragiquement la même année dans un accident de voiture à un passage à niveau près de Lombez.

Aujourd’hui encore, le souvenir d’Honoré Dambielle mérite d’être ravivé. Non seulement pour son travail de mémoire, mais aussi pour la passion qu’il a su transmettre à travers une langue enracinée, chaleureuse, vivante. En ces temps où le patrimoine immatériel suscite un regain d’intérêt, l’œuvre de ce curé gascon pourrait bien connaître une nouvelle jeunesse. Pourquoi ne pas imaginer une réédition de ses textes ou une lecture publique dans sa commune natale, Saint-Lizier-du-Planté ? Le passeur de mémoire n’attend que d’être écouté à nouveau.

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